Manille

Publié le par Flavien Pilyser

 

C’est sans regret que je quitte Singapour pour une destination qui n’était pas prévue dans mon itinéraire, les Philippines.

Après l’ « échec » australien, j’ai du planifier un nouvel itinéraire pour mes dernières semaines asiatiques (feuilleter les guides de voyage, le doux privilège du globe-trotter). Me première envie me conduisait en Inde ou en Birmanie, mais coup du sort, mon passeport étant entièrement tamponné, il s’est avéré impossible pour moi d’obtenir un visa pour l’un de ces pays (le revers de la médaille du globe-trotter…).

Davantage par défaut que par choix, j’ai alors opté pour l’archipel philippin. Mais dès mon arrivée à l’aéroport, un pressentiment me gagne, celui d’avoir fait le bon choix.

Tout commence par un fait banal : le retrait d’argent, sempiternel commencement à toute arrivée dans un pays. Les deux distributeurs automatiques de l’aéroport sont en panne et me voici donc dans l’impossibilité de prendre un ticket de bus. Les quelques chauffeurs de taxi que j’interroge me proposent de m’accompagner au distributeur le plus proche, moyennant une commission de 500 pesos (près de 10 euros) : un tarif prohibitif pour effectuer un aller-retour de quelques kilomètres !

C’est alors qu’un policier s’avance vers moi et me propose de m’accompagner à la ville la plus proche. Il ajoute qu’avec lui je ne risque pas de me faire agresser, et exhibe fièrement son fusil. Après m’avoir accompagné, il finira même par aller négocier pour moi la navette pour Manille.

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Rues de Manille

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Je profite des deux heures de navette pour découvrir la campagne philippine. Rien de très nouveau, les paysages sont très semblables à ceux des pays que j’ai précédemment visité. En revanche lorsque l’on atteint les faubourgs de Manille, une impression de déjà-vu me gagne. Il ne faut que quelques secondes pour établir le parallèle avec La Paz.

Rien d’étonnant en fait, sachant que les espagnols sont jusqu’en 1898 maîtres de l’archipel. Lorsque le bus arrive au terminus, je découvre l’atmosphère de Manille. Cette ville n’était pour moi qu’un nom lointain, associée sans réelle raison aux tropiques et à l’exotisme. Mais dès premières foulées je suis pris dans un tourbillon de vie qui m’enthousiasme au plus haut point. Les rues sont sales, la circulation difficile. Hésitant à prendre un taxi pour me rendre à l’hôtel, j’opte par souci financier pour le métro (15 pesos au lieu de 150, soit une économie formidable de 2 euros !!). Il me faut traverser quelques rues pour parvenir à la station la plus proche, trajet qui s’avère être une odyssée.

Au milieu d’un concert de klaxons, je manque de me faire écraser deux fois et il me faut l’aide d’un policier pour m’en tirer sans frais. Il faut dire que ma vision est brouillée par la nuit que je viens de passer à l’aéroport de Kuala Lumpur, mais surtout par la poussière qui se dépose sur mes lunettes à chaque passage de voiture. Et pourtant, sans savoir vraiment pourquoi, je me sens bien dans cet environnement. Peut-être qu’après trois jours passés à Singapour, je souhaitais changer radicalement d’ambiance ? Toujours est-il que j’arrive sur la rame transpirant, le visage maculé de terre. Le métro arrive, rempli de fond en comble. Avec mes 30 kilos de bagage je parviens tant bien que mal à me frayer une place dans un wagon, mais un agent de la sécurité arrive immédiatement pour m’en faire sortir. Il m’explique que ce wagon est en effet réservé aux femmes, qui se font sinon attoucher par les hommes…Effectivement, Singapour m’apparaît bien loin maintenant !

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Jeepneys et tricycles sont les deux moyens de transport les plus courants

Il me précise que les touristes ne prennent que très rarement le métro et qu’il m’aidera à trouver une « place » dans le prochain. Dernière recommandation de sa part, celle de faire très attention à mes affaires. Une fois à l’intérieur, je me rends compte que tout le monde me dévisage avec une expression au travers de laquelle se mêle surprise et sympathie. Effectivement, je suis le seul « blanc » au milieu de 200 personnes.

Lorsque je descends à mon arrêt, 2 philippins m’aident instantanément à sortir mes affaires et se proposent de m’aider à trouver mon hôtel. Je réponds naïvement que je n’ai pas d’argent, l’erreur fatale. L’un d’eux remonte immédiatement dans le wagon, tandis que l’autre, vraisemblablement vexé, prend toutefois la peine de m’expliquer que c’est uniquement de bon cœur qu’ils se sont présentés.

Je me confonds en excuse, explique que depuis 5 mois je n’ai guère eu l’habitude d’être confronté à tant de gentillesse et que j’en suis agréablement surpris. Nous effectuons ensemble les dix minutes de marche jusqu’à l’hôtel, et je dois que sa présence est la bienvenue, puisqu’il prend personnellement soin d’écarter les vendeurs à la sauvette et les enfants qui me courent après pour me demander un peu d’argent. Malgré cette pauvreté ambiante et le brouhaha incessant, je me sens bien et n’ai qu’une hâte, poser mes affaires et partir me balader dans cette ville.

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Scènes de vie à Malate

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Après avoir pris congé de mon escort-boy Diego et m’être délassé de mon « backpack », je pars flâner vers le sud de la ville. Plus je me perds au milieu de petites ruelles, plus un sentiment de bien-être m’enveloppe. Plusieurs personnes m’abordent, sans doute intriguées par ma présence dans des lieux réputés inhospitaliers par les guides, et me posent une foule de question. Quelques enfants s’accrochent à mon short en me réclamant encore de l’argent, puis réprimandés par des adultes m’invitent alors à jouer avec eux. Et voilà comment sous 35° degrés je me retrouve dans une partie de basket improbable, mais diablement plaisante.

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Repas sur le pouce

Je reprends ensuite mon chemin et tombe par hasard sur le port de Manille. Ca tombe bien, la vue est dégagée et le soleil s’apprête à se coucher. Je m’installe confortablement sur la jetée et profites de longues minutes du spectacle proposé, interrompu de temps en temps par quelques philippins souhaitant me faire visiter la ville en calèche.

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Le port de Manille

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Pour la première fois je me rends compte du plaisir de voyager seul. Jusqu’à présent, bien qu’ayant eu la chance de découvrir de nombreux pays, je ne m’étais jamais retrouvé dans un endroit inconnu seul. Le plaisir que j’y trouve est différent de celui d’être à plusieurs, mais équivalent. Je prends davantage de temps pour moi, suivre mes envies immédiates. En lieu et place de la solitude que je craignais, je me retrouve plutôt accompagné d’un autre moi, plus intérieur, moins concerné par le voyage que par la façon dont il le ressent (allez, un peu de schizophrénie n’a jamais fait de mal…).

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Le lendemain je pars pour le centre-ville historique de Manille, l’Intramuros. Ce quartier est un véritable héritage culturel espagnol, puisque je quitte l’Asie pour atterrir dans un lieu à la ressemblance frappante avec quelques prestigieux sites andalous.

L’espace d’un après-midi je crois revivre mon expérience erasmus, pour mon plus grand bonheur. J’arpente les rues pavées de l’Intramuros, me délectant de leur architecture et des couleurs qu’ils renvoient au soleil. J’ai même la chance en visitant l’église Saint-Augustin de tomber sur un mariage philippin. La cérémonie est semblable aux nôtres, ce qui est logique puisque les philippines sont un pays à majorité chrétienne. Mais cela n’enlève rien aux frissons que me procure l’évènement. La situation est totalement inattendue, ce qui la rend à mes yeux encore plus agréable à vivre.

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Le Palais du gouverneur et la basilique de Manille

La fin de journée se poursuit à ce rythme tranquille, seulement interrompu par quelques rêves qui se forment au fur et à mesure de mes découvertes. Je mets notamment à la place d’un conquistador du XVIème siècle, posant le pied sur cette île qu’il s’est longtemps décrite au cours de sa traversée. J’affectionne particulièrement ces instants magiques où l’environnement nous transporte dans un monde que l’on peut qualifier de parallèle, où l’on s’imagine sans difficulté dans une autre vie, lorsqu’un sentiment de profonde liberté nous transporte. Ils me sont tellement précieux, et restent parmi les meilleurs souvenirs que je garderai.

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Mariage dans l'église Saint-Augustin

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La Casa Manilla

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Les remparts de l'Intramuros

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De retour de ma balade, je me décide à aller à la rencontre de la vie nocturne philippine. Je ne suis pas déçu, les rues restent toujours aussi vivantes qu’en journée, la ville continue de se montrer sous un aspect bouillonnant, celui qui me fait vibrer. J’essaie alors de comprendre ce qu’ont pu ressentir les colons lorsqu’ils vivaient dans ces contrées si différentes des leurs à l’époque. La moiteur qui règne, l’éclairage souffreteux des bars, l’insalubrité des rues : tout est réuni pour créer un climat étrange, où débauche et mysticisme se mélangent.

Je pourrais rester de nombreuses heures à observer le comportement des autres clients, à apprécier cette atmosphère si spéciale, mais la réalité philippine se rappelle très vite à moi. Je suis tout à mes rêveries lorsque un bruit bizarre se fait entendre dans la rue. Il ne me faut guère longtemps pour identifier ce son, celui de balles. Plutôt surpris, je commence à me retourner dans tous les sens, voyant déjà le braquage arriver. Mais la plupart des gens présents restent impassibles. Le patron me regarde et m’explique de ne pas m’inquiéter. Il est en effet fréquent que les membres de certains gangs passent dans ce quartier et tirent en l’air afin de faire connaître leur présence.

   « Mouais, je trouve la solution du téléphone ou de l’e-mail plus conviviale, mais bon, à chaque pays ses coutumes… »

Quelques coups sont encore tirés épisodiquement, puis un retour à « mes » normes s’opère après cinq minutes. Je finis mon verre, et après m’être assuré auprès du patron qu’il n’y a aucun risque, je choisis de rentrer à l’auberge.

   « J’ai un bus à prendre tôt demain matin vous comprenez. Et puis, moi, veiller tard le soir, ça n’est pas trop mon truc. »

Bizarrement, je m’attarde moins dans les rues sur le trajet retour (la fatigue sans doute…) et arrive assez soulagé à mon hôtel.

Le lendemain, il ne me reste qu’à empaqueter mes affaires, puis je pars prendre le bus en direction de Banaue, ville située au nord de l’île de Luzon. Malgré l’épisode incongru de la veille au soir, c’est non sans une légère vague à l’âme que je quitte Manille. Une ville dans laquelle je reviendrai à coup sûr…

 

 

Publié dans Information

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E
<br /> hello flav!<br /> Merci, je suis encore plus degoutee de ne pas aller aux philippines... :)<br /> je devrais me consoler ailleurs !<br /> En tout cas je suis contente que tu aies autant aime, ca fait plaisir!<br /> bisous!<br /> <br /> <br />
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